Carole de Sydrac

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    D'arches, et d'alliances

Le REPUBLICAIN LORRAIN

Carole de Sydrac réinvente Vermeer
Faut-il aimer Vermeer, le peintre, pour mieux apprécier le dernier roman de Carole de Sydrac...? Pas nécessairement. Car l'auteur flirte aisément avec le pinceau et la plume, pour faire naître l'intrigue dans les règles de l'art.

Qui, de l'Astronome ou du Géographe de Vermeer, ressemble le plus à Jacques Réno...? Une question toute légitime au regard de la dualité du personnage imaginé par Carole de Sydrac rappelant celle des deux sujets - pourtant identiques, faut-il le souligner - peints par l'artiste hollandais du XVIIe siècle dont l'oeuvre entier sert de toile de fond à l'histoire.

Dans D'Arches, et d'alliances (La Bartavelle Éditeur), son quatrième roman, l'auteur n'a, en effet, de cesse de construire des ponts entre l'art et la vie, dressant des portraits troublants, tout en ombre et en lumière. Parmi eux, Jacques apparaît comme le plus étrange, le plus torturé, qui entraînera Estelle, à son insu, dans une pension de famille du Sud de la France tenu par sa propre femme. Elle, est tyrannique, impose ses horaires, de repas, de sorties, comme autant de règles établies auxquelles les invités ne peuvent déroger. Lui, que l'on croit volage, buveur, joueur et paresseux, s'est en fait inventé un monde à part, loin des hôtes de son épouse, pour mieux apprécier Vermeer et son héritage pictural.

La pension, Jacques s'en fiche. Tout ce dont il rêve, c'est de pouvoir un jour la transformer en maison d'accueil pour artistes-peintres réfugiés politiques ainsi qu'il l'avait autrefois promis à son oncle Nathan. Pour cela, il lui faut de l'argent. Beaucoup d'argent. Estelle l'aidera. Jeune femme dynamique, elle avait, à Paris, postulé pour devenir sa plus proche collaboratrice. Jamais, elle n'aura cru le rencontrer ici, à Saint-Michel-Sur-Mer, sous un autre nom, qui plus est. Estelle ne comprend plus. Que peut-il bien attendre d'elle?

En province, il l'avait aidée à s'échapper de la pension. De retour dans la capitale, il lui apprend le négoce des oeuvres d'art. Pour certains de ses clients, il est Honoré; pour d'autres, Max. Parce qu'en réalité Jacques n'existe pas, sauf pour sa femme qui n'a jamais fait la différence entre son mari et son jumeau. Estelle perd définitivement pied lorsqu'elle rencontre Jude. Le lecteur aussi. Qu'à cela ne tienne, le roman prend là toute sa saveur. Et l'on se demande ce que les deux frères ont bien pu échafauder pour tenir leur promesse.

Max et Jude que l'on comparerait volontiers à l'Astronome et au Géographe de Vermeer, symbolisant respectivement le ciel et la terre, ne manquent certes pas d'imagination... Comme beaucoup, ils n'ont pas oublié le scandale provoqué, en 1947, par le faussaire Van Meegeren qui contribua à la renommée du peintre. L'idée fait son chemin, les emportant tout droit sur la route de Strasbourg à la rencontre de Jacob, expert copiste, qui donnera naissance à un chef-d'oeuvre inconnu - baptisé collégialement Saint-Michel pesant les âmes - dont la paternité devra revenir à Vermeer afin qu'il puisse être vendu à prix d'or.

L'intrigue se met en place apportant au roman une dimension nouvelle, propre à la réflexion. On s'interroge alors sur l'art, sa véritable valeur, son commerce trop facile, sur la capacité de Carole de Sydrac à reproduire l'univers de Vermeer avec des mots justes, forçant le détail. Comme lui, elle se plaît à dépeindre ici un univers clos, suffocant. Comme lui, elle parvient à créer une atmosphère mystérieuse, chargée de sous-entendus, pour nous prouver que sa plume cache presque autant de surprises que le pinceau du peintre hollandais.

V. P.
Paru le : 02/06/02