résumé et autres critiques :
[ nord-est-hebdo ] [ EstRepublicain ] [ arts ] [ Moniteur ] [ Europe2002 ] [ Dernières Nouvelles d'Alsace ] [ La Montagne ] [ En Alsace ] [ france bleu ] [ reforme 2002 ] [ ecriremagazine ] [ polystyrène ] [ Strasbourg Mag. ] [ Spectacles02 ] [ lorrain ] [ hebdoscope2002 ] [ république des lettres ] [ résumé ]
| | D'arches, et
d'alliances
Le REPUBLICAIN LORRAIN
Carole de Sydrac réinvente Vermeer |
Faut-il aimer Vermeer, le peintre, pour mieux apprécier
le dernier roman de Carole de Sydrac...? Pas nécessairement. Car l'auteur
flirte aisément avec le pinceau et la plume, pour faire naître
l'intrigue dans les règles de l'art. |
Qui, de l'Astronome ou du Géographe de Vermeer, ressemble le plus à
Jacques Réno...? Une question toute légitime au regard de la dualité du
personnage imaginé par Carole de Sydrac rappelant celle des deux sujets -
pourtant identiques, faut-il le souligner - peints par l'artiste
hollandais du XVIIe siècle dont l'oeuvre entier sert de toile de fond à
l'histoire.
Dans D'Arches, et d'alliances (La Bartavelle Éditeur), son
quatrième roman, l'auteur n'a, en effet, de cesse de construire des ponts
entre l'art et la vie, dressant des portraits troublants, tout en ombre et
en lumière. Parmi eux, Jacques apparaît comme le plus étrange, le plus
torturé, qui entraînera Estelle, à son insu, dans une pension de
famille du Sud de la France tenu par sa propre femme. Elle, est
tyrannique, impose ses horaires, de repas, de sorties, comme autant de règles
établies auxquelles les invités ne peuvent déroger. Lui, que l'on croit
volage, buveur, joueur et paresseux, s'est en fait inventé un monde à
part, loin des hôtes de son épouse, pour mieux apprécier Vermeer et son
héritage pictural.
La pension, Jacques s'en fiche. Tout ce dont il rêve, c'est de pouvoir un
jour la transformer en maison d'accueil pour artistes-peintres réfugiés
politiques ainsi qu'il l'avait autrefois promis à son oncle Nathan. Pour
cela, il lui faut de l'argent. Beaucoup d'argent. Estelle l'aidera. Jeune
femme dynamique, elle avait, à Paris, postulé pour devenir sa plus
proche collaboratrice. Jamais, elle n'aura cru le rencontrer ici, à
Saint-Michel-Sur-Mer, sous un autre nom, qui plus est. Estelle ne comprend
plus. Que peut-il bien attendre d'elle?
En province, il l'avait aidée à s'échapper de la pension. De retour
dans la capitale, il lui apprend le négoce des oeuvres d'art. Pour
certains de ses clients, il est Honoré; pour d'autres, Max. Parce qu'en réalité
Jacques n'existe pas, sauf pour sa femme qui n'a jamais fait la différence
entre son mari et son jumeau. Estelle perd définitivement pied
lorsqu'elle rencontre Jude. Le lecteur aussi. Qu'à cela ne tienne, le
roman prend là toute sa saveur. Et l'on se demande ce que les deux frères
ont bien pu échafauder pour tenir leur promesse.
Max et Jude que l'on comparerait volontiers à l'Astronome et au Géographe
de Vermeer, symbolisant respectivement le ciel et la terre, ne manquent
certes pas d'imagination... Comme beaucoup, ils n'ont pas oublié le
scandale provoqué, en 1947, par le faussaire Van Meegeren qui contribua
à la renommée du peintre. L'idée fait son chemin, les emportant tout
droit sur la route de Strasbourg à la rencontre de Jacob, expert copiste,
qui donnera naissance à un chef-d'oeuvre inconnu - baptisé collégialement
Saint-Michel pesant les âmes - dont la paternité devra revenir à
Vermeer afin qu'il puisse être vendu à prix d'or.
L'intrigue se met en place apportant au roman une dimension nouvelle,
propre à la réflexion. On s'interroge alors sur l'art, sa véritable
valeur, son commerce trop facile, sur la capacité de Carole de Sydrac à
reproduire l'univers de Vermeer avec des mots justes, forçant le détail.
Comme lui, elle se plaît à dépeindre ici un univers clos, suffocant.
Comme lui, elle parvient à créer une atmosphère mystérieuse, chargée
de sous-entendus, pour nous prouver que sa plume cache presque autant de
surprises que le pinceau du peintre hollandais.
|
V. P. |
Paru le : 02/06/02 |
|